(FPIC) Consentement Libre Informé et Préalable : Renforcement de capacités des femmes leaders de Marlothie, championnes dans la lutte contre le changement climatique !

Participants à la formation sur la stratégie de campagne au Sénégal

(Participants à la formation sur la stratégie de campagne au Sénégal)

Consentement Libre Informé et Préalable : Renforcement de capacités des femmes leaders de Marlothie, championnes dans la lutte contre le changement climatique !

WoMin Africa Alliance en collaboration avec son partenaire Lumière Synergie Développement ont organisé du 09 au 10 mars 2023 un atelier de formation sur le Consentement, Libre, Informé et Préalable (CLIP), pour les femmes leaders de Marlothie une localité située dans les iles du Delta du Saloum au Sénégal. L’objectif principal de l’atelier était de former vingt femmes leaders du Delta du Saloum sur le Consentement libre, informé et préalable (CLIP) pour leur participation effective dans le processus de prise de décision communautaire relatif à l’exploitation du pétrole de la région. Au cours de cette formation les participantes ont pu bénéficier de différentes sessions sur le projet pétrolier de Sangomar qui est implanté dans le delta du Saloum, ainsi que sur les droits constitutionnels des femmes et autres législations mettant en lumière les droits socio- économiques des femmes. 

A l’occasion de la célébration de la “Journée de la Terre” ce 22 avril, nous voulons revenir sur le combat mené par ces braves femmes du Sénégal et l’importance pour nos deux organisations de les outiller, afin qu’elles affirment leur leadership, et défendent mieux leur écosystème.

Conservation et restauration des écosystèmes indigènes

Les femmes qui ont bénéficié de cette formation sur le CLIP sont toutes membres de l’Union locale des femmes de Marlothie et leurs principales activités économiques sont la culture des huitres et autres crustacés dans les mangroves, ainsi que l’agriculture. Elles pratiquent par la suite la transformation des produits issus de leurs différentes cultures. En plus de cela les femmes de Marlothie sont des championnes dans la lutte contre le changement climatique. En effet elles ont développé depuis de nombreuses années des solutions endogènes pour la préservation de leur écosystème. La conservation et la restauration des mangroves sont devenues la meilleure solution pour endiguer l’avancer de la mer et préserver les terres cultivables au niveau de Marlothie, puisque la salinisation des terres est à présent un réel fléau qui impacte l’agriculture dans la zone. Au cours de l’année dernière les femmes ont effectué le repiquage de mangroves sur 20 hectares de terres en utilisant un million neuf cent mille propagules, les souches utilisées pour faire pousser de nouvelles plantations de mangroves.

Toutefois depuis l’annonce de l’exploitation du pétrole de Sangomar les femmes ont des craintes en ce qui concerne l’avenir de la conservation des mangroves. Pour rappel la région du Delta du Saloum (comprend 200 îlots sur une superficie de 18.000 ha), où se trouve le champ pétrolier de Sangomar, est classée réserve de biosphère depuis 1980, et est inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco en 2011, en plus d’être classée en tant que site de Ramsar en 1984 pour l’importance de ses zones humides.

La menace de la terre pétrolière de Sangomar

Le développement du champ Sangomar large de 400 km² est entré dans sa phase d’exécution en janvier 2020. Il comprend le forage, la construction et l’installation des systèmes sous-marins et l’unité de production offshore, les réserves récupérables sont estimées à près de 630 millions de barils de pétrole.

Malgré l’ampleur de ce projet les femmes de Marlothie n’ont pas fait partie des consultations et n’ont aucune idée du contenu des Études d’impacts Environnementales et Sociales. Ni les administrateurs locaux, ni les promoteurs du projet, dans ce cas précis à savoir Wootside Energy, n’ont veillé au respect de l’accès à l’information pour toutes les parties prenantes, les femmes de la communauté y compris. Cette situation ne rassure pas les femmes qui connaissent dorénavant les nombreux impacts qui peuvent découler de l’exploitation du pétrole lorsqu’on écoute Ndieme Ndong animatrice de l’union locale qui affirme :

« Nous avons eu la chance d’aller dans le delta du Niger au Nigeria, plus précisément à Port Harcourt, nous avons vu dans quel état de pauvreté nos sœurs vivent et à quel point l’environnement est détruit. Nous ne voulons pas de cela chez nous ».

L’exploitation pétrolière est venue renforcer les difficultés d’accès à la terre qu’avaient les femmes ; d’après les témoignages des femmes, la spéculation foncière pousse les hommes à brader leurs terres à des étrangers. Une situation défavorable pour les femmes car comme l’a indiqué Maymouna Diome la présidente de l’union locale des femmes de Marlothie 

 « Dans notre culture la femme n’a pas droit à la terre, pour exploiter elles doivent emprunter des parcelles de terres aux hommes ».

S'organiser pour le droit de dire NON au développement destructeur

Alors qu’au Sénégal les femmes représentent 79% de la main d’œuvre paysanne, seulement 3% d’entre elles sont propriétaires terriennes. Pourtant la législation nationale attribue les mêmes droits aux hommes et aux femmes en ce qui concerne l’accès à la terre. Ainsi durant la session sur les droits constitutionnels des femmes, madame Fama Dieng juriste et formatrice est revenue sur la législation nationale en matière d’accès à la terre. Le constat est qu’en effet il y a un écart entre le régime coutumier et juridique ainsi qu’un réel décalage entre les réalités socio-culturelles et religieuses avec la loi. Au Sénégal, l’article 7 alinéa 4 de la constitution du pays consacre les principes d’égalité et de non- discrimination, quant à l’article 15 alinéa 2 il garantit le droit aux hommes et aux femmes la possession et la propriété de la terre. Le problème de l’accès à la terre aux femmes prévaut dans plusieurs pays d’Afrique et pas uniquement au Sénégal malgré la relation étroite qui existe entre les femmes et la terre. Malgré les heures de travail qu’elles consacrent à l’agriculture, à la restauration des terres, leur droit de propriété reste fragile à cause de dogmes socio-culturels. 

Mais la prise de conscience collective ainsi que la création de synergies permettront d’amplifier la voix des femmes et de les pousser à user de leur Droit de Dire NON aux injustices auxquelles elles sont exposées, mais surtout à se dresser pour être rétablies dans leurs droits dans tous projets de développement instaurés dans leur communauté. A l’occasion de la célébration de la Journée de la Terre ce 22 avril, dans le contexte de crise climatique dans lequel nous évoluons, et au vu des pertes et dommages que subit déjà l’Afrique, l'histoire et le combat de ces femmes pour la conservation de leurs ressources naturelles et surtout la protection de leurs terres doivent servir d’exemple, et interpeler non seulement les autorités nationales, mais également les agences des Nations Unies telles que l’UNESCO. En effet étant donné l’importance du delta du Saloum classé entre autres patrimoine mondial de l’UNESCO, ce site devrait être protéger contre tout projet destructeur, et conservé pour la postérité.

À propos de la collaboratrice invitée :
Fatoumata Kiné Niang Mbodji
Militante et experte en communication basée à Dakar, Est la Chargée de communication et de Plaidoyer de Lumière Synergie Développement/Sénégal - Partenaire de WoMin.

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